Meghan M. Hicks, ultrarunneuse américaine, éditrice et environnementaliste nous donne ses impressions avant l’édition 2019 du MDS. L’ayant déjà remporté chez les féminines en 2013, elle revient pour Outdoor and News sur sa préparation, ses envies, ses attentes …
Quels sont tes jobs ?
Je suis Editrice Manager pour iRunFar.com , le site web du trail et de l’ultra-trail running mondial.
Je supervise les éléments du site et assure la couverture du suivi des courses en live partout dans le Monde.
Quel âge as-tu ?
40
Peux-tu nous donner une de tes qualités ? Un de tes défauts ?
Je pense que mes meilleures qualités en référence à la course à pieds sont ma résilience et mon entêtement. La résilience : je suis dure au mal et je suis capable de faire face à beaucoup de challenges sans ralentir ou devenir incapable de courir. L’entêtement : courir de très longues distances en courant c’est prendre en compte des problèmes et trouver des solutions pour y remédier et je suis assez têtue lorsqu’il s’agit de réparer mes problèmes. Je ne baisse pas les bras tant que je ne les ai pas résolus !
Ma faiblesse dans la course à pieds est probablement due aux limites de mes capacités propres, inhérentes à ma génétique. Ha ! Mes parents étaient un peu sportifs mais pas trop. Je fais mon maximum pour optimiser mon héritage génétique.
Quel est ton meilleur souvenir dans une course ? Ton pire cauchemar ?
Mes meilleurs souvenirs en course sont quand le paysage est inspirant et changeant. Regarder le coucher du soleil lors de la Hardrock 100 est quelque chose que je n’oublierai jamais. Le ciel s’était paré de tant de belles couleurs et c’était au milieu de l’été alors cela a duré un long moment , la lumière s’attardant à l’horizon. Cela m’a donné la force d’entrer dans la nuit de course se profilant devant moi.
Mon pire cauchemar ? Peut-être mon premier 100 miles en 2007. J’étais une ultra-runneuse novice en la matière et je ne savais pas à quel point il était beaucoup plus difficile de courir un 100 miles qu’un 50 miles. C’était beaucoup plus dur ! J’ai abandonné la course au 80eme mile parce que c’était trop difficile. Après ça, j’ai commencé à parler avec d’autres ultrarunners et j’ai appris qu’il était normal de ressentir ce que j’avais ressenti et quelle vitesse était généralement la norme dans les dernières parties d’un 100 miles. J’ai aussi appris que ce que j’avais ressenti lorsque j’avais abandonné était normal. Donc, 6 mois plus tard, j’ai retenté l’expérience d’un 100 miles , cette fois en comprenant et en étant préparée pour ce que j’allais rencontrer comme émotions et sensations. C’était difficile mais j’ai fini et j’ai pu envoyer au loin ce cauchemar de ne pas avoir fini un 100 miles.
Quelle est ta course rêvée ?
J’adore les courses qui vous amènent dans la nature sauvage et dans des endroits magnifiques. Par exemple , le TransAtlas Marathon est très spécial avec des endroits reculés que l’on traverse dans les montagnes de l’Atlas Marocain.
Que penses-tu de la place des femmes dans les médias et dans le Sport ?
C’est une grande question et j’ai plein de choses à dire sur les femmes dans les médias et dans le sport.
Tout d’abord , il y a besoin que nous soyons plus nombreuses ! Nous sommes encore une minorité aussi bien dans le trail que dans l’ultra-trail et même dans le journalisme sportif. Il est temps que cela change. Les métiers du journalisme , les magazines, les sites web … ont besoin d’embaucher des femmes. Je vois tellement de professionnels des médias pour le trail et l’ultra-trail dans le Monde qui n’ont aucune femme dans leur équipe . C’est juste fou !
Ensuite , nous les femmes dans les médias avons besoin de prendre un rôle moteur en repoussant ces limites avec des reportages sur les femmes. Les femmes sont beaucoup moins photographiées et interviewées que les hommes dans le trail et l’ultra-trail. Et cela doit changer ! Il est temps pour les femmes faisant du trail d’être citées et mises en avant autant que les hommes. C’est de la responsabilité des médias d’être engagés envers cette égalité et de faire en sorte que cela concerne tous les niveaux d’organisation.
Enfin , nous les femmes dans les médias devons prendre les choses en main dans la façon dont les histoires sur les femmes sont racontées. Nous sommes des êtres complexes , compliqués, qui pensent et ressentent différemment des hommes et nos histoires ont besoin de refléter cela. Les hommes écrivant à propos des femmes , c’est super ! Mais ces hommes devraient demander aux femmes de l’aide pour parler des femmes de manière plus appropriée. Les femmes ne sont pas des mini-hommes qui pensent , agissent et courent de la même façon qu’eux donc nos histoires devraient prendre en compte notre unicité.
Peux-tu nous parler de « Girls gotta run » et de ton récent voyage en Ethiopie ?
La fondation Girls Gotta Run est une association américaine sans but lucratif basée en Ethiopie afin d’aider les adolescentes à utiliser la course à pieds et leur éducation pour les valoriser et dépasser les barrières sociétales dans le but de réussir. Je suis allée sur l’un des sites à Bekoji , qui est une célèbre ville où l’élite éthiopienne de la course à pieds vit et s’entraîne. C’était une expérience incroyable de rencontrer des filles participant au programme, de voir à quel point elles sont rapides et dévouées à leur programme d’éducation pour développer ensuite des compétences pour leur vie professionnelle d’adultes. Courir est un formidable outil pour transcender les challenges de nos vies et c’est ce qui était inspirant à voir.
Pourquoi as-tu décidé de t’inscrire au MDS 2019 ?
J’ai couru le MDS pour la première fois il y a 10 ans , en 2009, et cela a changé ma vie de différentes manières très positives. Je voulais vraiment le courir à nouveau pour ce 10eme anniversaire , comme une façon de célébrer les 10 dernières années de ma vie mais aussi afin de regarder les 10 prochaines avec enthousiasme.
Crédit photo : Kirsten Kortebein
Tu as déclaré dans « Runner’s World » : « J’ai gagné le MDS 2013 parce que j’avais dédié ma vie à ça » . Dédies-tu toujours ta vie au MDS maintenant ?
Non, pas de la façon dont je le précisais dans cet article. En 2013, quand j’ai gagné le MDS, j’avais du temps et de la place dans ma vie pour m’entraîner pour cela comme un athlète professionnel pendant de nombreux mois. J’ai dédié ma vie à ma préparation pour le MDS pendant à peu près 3 mois. C’était une magnifique expérience et cela a conduit à une forme physique adéquate et optimale pour le MDS.
Je n’ai pas cette sorte de dévouement cette année. En 2019, je suis au sommet de ma carrière professionnelle. Je travaille très dur, généralement à plein temps et cumulant plus de 60 heures par semaine. J’ai aussi d’autres responsabilités dans ma vie qui me prennent beaucoup de temps et qui sont importantes aussi. Je ne peux pas avoir le même dévouement qu’en 2013. Cette fois, avec mes préparations, je me suis concentrée sur l’efficacité. Comment puis-je me préparer aussi efficacement que possible avec le temps disponible chaque jour ?
Cependant , j’ai un amour spécial pour le MDS et un attachement à ses valeurs fondamentales. Je l’ai déjà fini 5 fois et il y a tant à apprécier ! Etre dans le désert du Sahara pendant une semaine, en courant , en étant dans la Nature et en passant du temps avec tes amis sous la tente. C’est une vie tellement simple et pourtant tellement profonde et vibrante ! Tu apprends beaucoup plus sur toi-même et sur tes amis pendant cette semaine au MDS que pendant une année de ta vie normale à la maison. Donc, dans un sens, je suis entièrement dévouée aux principes de la course. J’aime courir au MDS parce que cela me rappelle tous ces principes que tu peux pratiquer pendant une semaine et cela t’aide à les mettre en pratique ensuite dans ta vie après la course.
Penses-tu que tes MDS précédents influencent tes objectifs 2019 pour celui-ci ?
Oui ! Je pense toujours au passé quand je trace mon chemin dans le présent. J’ai fait de grandes courses au MDS et d’autres moins abouties , ayant fait pas mal de choses bien et d’autres pas. J’essaie toujours de garder en tête ce que j’ai fait de bien et de moins bien dans le passé afin de reproduire les bonnes choses et d’éviter les mauvaises. Au MDS, une expérience précédente de la course ou d’une autre course du même format ( sur plusieurs jours, en auto-suffisance et dans des climats chauds) peut positivement influencer ton aventure.
Penses-tu que les autres coureurs vont avoir peur de tes capacités ?
Ha, je n’espère pas ! Je suis juste une personne normale qui essaie de tirer le meilleur d’elle même quoi qu’elle fasse. J’adore l’amitié et la camaraderie dans la course. Je pense à la compétition en tant que « concourir avec » et non « concourir contre » les autres. Nous devenons meilleur en coopérant avec le meilleur en chacun des autres personnes.
Quand, où et comment as-tu réussi à t’entraîner pour ce MDS ?
J’habite à Moab , dans l’Utah et je me suis entraînée ici. Fin Novembre, j’ai couru à Oman (Oman by UTMB ) et il m’a fallu 2 semaines et demi pour récupérer après ça. Ensuite, fin Décembre, j’ai commencé ma préparation pour le MDS , développant doucement ma capacité à courir sur de longues distances tout en portant un lourd sac sur le dos. C’est l’hiver , il fait froid et il y a de la neige donc ce ne sont pas les conditions idéales. Cependant, j’ai appris au fil des ans que courir dans la neige fraîche était très similaire à la course dans le sable donc … voilà !
As-tu une stratégie individuelle ou collective ?
Ma stratégie est individuelle et pas après pas. Il est crucial dans une course aussi longue et difficile que le MDS de courir dans sa bulle dès le départ.
As-tu peur de l’étape longue (80 Km environ) ? En as-tu déjà eu peur ?
Je suis sure que j’étais effrayée par l’étape longue quand j’ai commencé mon aventure MDS , quand je ne savais pas à quoi m’attendre ! Mais je ne le suis plus à présent parce que j’ai appris qu’il y a beaucoup plus de bonnes choses que de mauvaises dans cette étape longue. La longue étape est difficile parce qu’elle est si longue , chaude et sableuse et que tu commences à être fatigué des jours précédents. Mais la longue étape du MDS est aussi l’une des plus belles choses que je connaisse en ultrarunning. Après la chaleur du jour, le désert commence à se rafraîchir et on se sent bien. Lorsque tu assistes au coucher du soleil alors que tu cours dans le désert Saharien , c’est extraordinaire. Ton cœur est tellement empli de joie et de bonheur ! Et ensuite les étoiles illuminent une à une le ciel. Le ciel nocturne dans le Sahara me fait pleurer par sa beauté. Il y a tant de choses à adorer dans l’étape longue du MDS.
As-tu un objet fétiche que tu prendras avec toi sur la course ?
Non, je fais mon sac de façon à ce qu’il soit le plus léger possible, avec aucun objet de valeur .
Crédit photo : Marissa Harris
Un immense merci à Meghan pour avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Nous lui souhaitons une très belle course 2019 au MDS !
Rédaction : Marie CAZELLES
Crédit photos : Meghan M. Hicks et page Facebook ; Kirsten Kortebein et Marissa Harris