
La première étape est toujours cette étape qui annonce la suite ! Mais c’est surtout l’étape où tu découvres que ton sac va être collé à toi et qu’il va faire osmose avec toi pendant une semaine. Il va être ton partenaire de route et c’est avec lui que tu vas devoir faire union.
Réveil en fanfare avec le soleil qui se lève et un petit bruit suspect s’apparentant à un micro de mister réveil bivouac. 5h30 c’est un peu tôt. Alors moi je me renfouis (re enfouis) dans mon duvet.

J’avoue j’ai bien dormi ! Dodo 21h, pas eu froid, pas réveillée de la nuit, sommeil optimal ! What else ?!
Pour le premier petit dej, pas besoin de feu pour moi, une brique de chocolat au lait et mes céréales ovomaltine, c’est dl’a dynamite. Pierre-Étienne commence avec ses riz au lait ou un autre truc aux myrtilles, et Lhoucine je ne sais plus. Sandrine et Serge, mystère. Je crois que Serge s’est réveillé plus tôt que moi. J’ai dormi avec mes affaires de courses au fond du duvet, comme ça elles ne sont pas froides.

Le départ est donné pour 9h, cela laisse du temps. Et en plus, notre tente est dans les dernières à se soulever. L’épreuve du tapis est courte !





Le sac même à 6,5 kg doit être très bien rangé et équilibré pour ne sentir aucune gêne ni au niveau du dos, ni au niveau des épaules. Donc, duvet contre le dos, les paquets de bouffe en vertical une rangée puis les affaires de dodo, deuxième rangée de bouffe avec la gamelle. Devant : à gauche, panpan face au vent, une gourde et sur le côté : pharmacie. À droite, place pour le tel, une gourde et sur le côté, nécessaire toilette. Dans les poches du short, les calories pour l’étape, beef, une barre Mulebar et le sel. Poches du tee shirt : boissons énergétiques pour les CP. Pas besoin de plus.


C’est donc parti pour la ligne de départ. J’en profite pour faire le tour du staff, besoin de mes câlins, Anthonin, Tom, Olivier, Kova , Peter, Jamal, Martha. Et je passe devant. Alex, Ragna, Albert, Monica, Aziza, Aziz, Abdo, Julien, Merile, Dam, Lhoucine, Laurence. Je me faufile dans les rangs, des bisous à ma tente 38











Et le briefing commence, c’est l’effervescence, l’appréhension dans les yeux de certains pour leur première fois, des sourires qui en disent déjà longs pour d’autres, une satisfaction d’être de nouveau là pour un bon nombre, l’humilité d’être encore là pour moi.





Une étape de 32 km. Un mélange de tout mais sans grosses dunes. Une chaleur qui devrait être supportable. Essayons de partir tranquille sans se mettre dans le rouge. Je pars avec normalement mon aponevrose guérie et mon syndrome qui devrait me lâcher la grappe. J’essaye de ne pas y penser histoire de conjurer le mauvais sort.
Guillaume installé sur le tour du 4×4 en fidèle interprète est amusant dans sa tenue de course avec son collant moulant ! Patrick est ému bien sûr, tout le monde je pense d’ailleurs. Le traditionnel AC/DC prend de la voix et nous voilà tous, les quasi 850 coureurs, a avoir les poils qui se dressent, le pouls qui s’agite, les jambes qui fourmillent et la tête dans les nuages. Le mythique « prenez soin de vous » retentit, 10,9,8,7,6,5,4,3,2,1,0 c’est parti.



Je n’en reviens pas, me voilà encore en train de franchir cette ligne de départ avec autant d’émotions que l’année précédente, des émotions différentes mais pas si éloignées. Que va t’il se passer dans ma tête, mon esprit, mon corps, mon cœur et mon âme pendant ces 227km de ce MDS 2019 ? Je n’en sais rien, je vais me laisser guider par l’immensité de ce voyage.
Très vite, les baskets foulant le sol se souviennent de ce rythme à prendre et leur joie dépasse mon esprit et tout démarre ! Les dunettes, cette fameuse herbe à chameaux, ces cailloux, les émotions ont de la mémoire.


Je suis toujours estomaquée par les sacs de certains. Pour tout l’or du monde je n’échangerais pas ! Le matelas qui ballotte, la bouteille d’eau devant, le sac plastique à la main, non non ! Remarque je n’ai pas trop à dire avec panpan les oreilles à l’air et la truffe au vent, son buff autour du coup et sa dent qui pend. 170 grammes de bonheur obligatoire contre l’impasse d’une deuxième paire de chaussette !







Déjà très vite, je passe à droite et trace mon chemin. Les fourmis que nous sommes, s’étirent en file indienne. Anne me dépasse en me disant que Barbara est derrière. Je ralentis et je la vois, on marche ensemble. Arrêt chaussure au bas du raidillon pour elle, je continue, je double Anne, CP1 en vue, CP1 checké, mon selfie habituel avec Patrick, je remplis mes gourdes, Barbara arrive, et nous repartons ensemble.



J’aime ce sentiment d’être seule et de ne pas l’être. J’aime ce sentiment de certitudes et d’incertitudes. J’aime ce sentiment où l’on se dévoile tel que l’on est. Pas de triche, pas de mensonges. Si certains le font, alors ils sont très forts ou alors ils recevront l’effet boomerang plus tard. Ici dans cette immensité, nous sommes là pour nous voir dans un miroir. Notre reflet, notre vie nous arrivent en pleine gueule et on avance avec ça. On avance pour grandir, on avance pour vivre. On avance pour se surpasser. Le retour à la réalité, à la vie la vraie, te sera salutaire grâce à cette aventure.

Tu rentreras humble et tu verras que de te plaindre au moindre cheveu de travers est une foutaise.
Tu verras que ton chemin de vie que tu t’es choisi, tu le respecteras et tu avanceras différemment, certes.


Tout cela dans ma tête du CP1 au CP2 avec Barbara qui ne dit trop rien. On avance, on est bien. On se connaît maintenant, on n’a plus besoin de savoir qui doit parler ou pas. Tout se fait naturellement. J’aime être devant à mettre le rythme, à choisir mes cailloux, mes monos traces. On traverse un village, Merzane. Les enfants sont enjoués et courent autour de nous et nous demandent des bonbons, à manger. J’ai même certains qui veulent mon panpan. Mais niet ! Je discute en arabe, ils sont surpris et répondent. Barbara est contente, elle sourit. C’est un bon moment. Je reconnais un bout du parcours de la race désert marathon. J’aime ces plateaux caillouteux, ils mettent direct dans le rythme et dans la joie de sentir les petits cailloux sous la semelle, j’adore. Cette première étape met en condition ! Un peu de tout pour tous les goûts et la chaleur qui commence : belle acclimatation pour le reste du MDS.




On continue, on continue à marcher avec un rythme qui tient bien. Les paysages sont toujours aussi magnifiques et le PC2 sent bon ! Il approche ! Encore un peu d’efforts sur ce plateau caillouteux et le 21,1 km est là !




Barbara s’inquiète de Anne. Notre ravitaillement se fait donc tranquillement. Zaki est là, tout comme Patrick, un peu de discussions et notre Anne nationale arrive au CP. Direction la tente médicale pour elle, elle n’est pas au top de sa forme. On reste, histoire de suivre les news et 30 minutes plus tard, pas très fraîche, elle repart avec nous, calée entre moi et Barbara.


Il reste 11km pour retrouver nos compagnons de chambrées sous nos tentes respectives. Il fait chaud ! Je prends un rythme tranquille et on alterne pendant 3km, des sentiers un peu caillouteux, entrecoupés de dunettes et d’herbes à chameaux. Tous les 500m, une voiture médicale demande à Anne si tout va bien et nous récupérons Nicole, mon acolyte suisse de l’année précédente, qui n’est pas au mieux de sa forme non plus. Elle se cale dans la file et le rythme reprend. Je suis à la tête d’un petit train : ” allez les filles, c’est bien, je suis fière de vous!”

26ème kilomètre : c’est parti pour du terrain sablonneux ! Et devinez quoi ? Le 4×4 numéro 7 de Patrick est là, avec assis à l’ombre de la voiture, notre Paulo, ambassadeur Italien du MDS. On ne compte plus ses MDS à son actif ! Il est loin de frétiller, mais avec courage il se relève et se met dans les rangs avec toute cette gente féminine ! Nicole va mieux et nous lâche pour s’envoler seule vers la ligne d’arrivée. Et nous, nous continuons notre bonhomme de chemin à une allure lente, mais le but est de ramener tout le monde à la maison. Divers arrêts de ci de là, de madame Anne, qui est une vraie pisseuse ! Les 4×4 médicaux nous suivent aussi et les encouragements font du bien et je mène toujours la danse.
30 ème / traversée de l’oued Nejjakh, des dunettes, de l’herbe à chameaux et l’arche qui se profile. Les filles ont tenu, Paulo s’en sort à son rythme.
32,2 km : VICTORY ! Nous franchissons la ligne ! Pouet Pouet ! Un petit thé pour se requinquer ! Fière de mes gazelles je suis ! J’ai accompli ma mission du jour. Je ne suis jamais là par hasard. Le Marathon des sables est pour accomplir des missions, je suis là pour les autres et cela fait ce que je suis. Merci Barbara et Anne pour cette première étape. Un pur bonheur de l’avoir partagée avec vous.


Sous ma tente, je retrouve Lhoucine et Pierre-Etienne, tout deux en train de manger. Lhoucine sa fameuse purée ! On se raconte notre étape, on prend soin les uns des autres. La première étape est importante. Elle marque le tempo de la suite. On doit se mettre en jambe et en mental. Moi, je me suis sentie à l’aise, avec un sac léger, peu ou pas de douleurs, des pieds au top, des jambes acier et un moral d’enfer. Je suis là, vivante, pour me faire plaisir et accomplir une phase de vie, si précieuse.


REDACTION : Carole
Crédit photos : Carole