Ultra marathon : 281 km au PORTUGAL

Vous aimez le sport, l’ultratrail ? Les conditions extrêmes ? L’option pour le mois de juillet est liée alors à nos inspirations. Retour sur 281 km au Portugal lors du PT281 Ultramarathon. Jusqu’où va votre limite ? Jérôme nous raconte….

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas un récit d’heureux finisher que je vous propose. Mon expérience sur la PT 281+ Ultramarathon est le récit d’une frustration renouvellée à la façon d’un jour sans fin.

Il est dans un premier temps nécessaire de vous présenter cette épreuve, hors du commun. Elle compte parmi les plus grandes distances au monde dans une formule peu fréquente en France. La Pt 281+ est un subtile mélange d’inspiration outre-Atlantique, brésilienne et américaine. On la surnomme la « bathwater européenne ». Bathwater dont elle reprend l’esprit : longue distance sous des températures extrêmes, tout en gardant une hygrométrie plus élevée et un principe de course en semi autonomie comme la brésilienne BR135+.

La PT 281+ Ultramarathon est la course de tous les superlatifs. 281 km, 6800 D+, balisage sur tracé GPS, semi autonomie avec 7 bases vie équidistantes de 30 à 48 km, barrière horaire totale à 66 heures de course et surtout, la difficulté majeur : une température très fréquement supérieure à 40 °C pendant plusieurs heures par jour.

On dit non sans humour que « Si tu veux parler à Dieu, c’est ici qu’aura lieu la rencontre ! » 

 

Chapitre 1 : édition 2018

 

Je découvre cette course alors que je suis à la recherche d’un ultra trail qui ne soit pas trop technique. En effet, mon genou fait des siennes dans les descentes techniques des grandes classiques de montagne. Ici, très peu de D- brutal. Bien sûr, les 7000 m de D+ doivent être redescendus, mais cela se fait sur la distance, donc cela me semble abordable. Qui plus est, je peux en profiter pour coupler la course avec  un petit séjour avec mes enfants, il y a de belles plages fluviales à proximité et c’est loin des grands spots touristiques…. Il n’en faut pas plus pour me décider. Rendez-vous est donc pris la dernière semaine de juillet. Je sais qu’au Portugal, fin juillet, il fait chaud. Mais je ne mesure pas encore à quel point !

L’aventure commence à Lisbonne d’où l’organisation affrète un bus pour ramener toute la petite troupe jusqu’à Proença à Nova, une charmante petite ville du centre du pays. Ambiance internationnale dans le bus. Si le plus gros du contingent est composé de portuguais et de brésiliens, des participants viennent néanmoins de toute l’europe et du Japon pour quelques uns d’entre eux. Je craignais des difficultés de compréhension des instructions, mais je constate à mon grand soulagement que l’organisation à prévu une traductrice français. C’est donc fin prêt, trace chargée dans le GPS et muni de tous les bons conseils de Paulo, notre Directeur de course que je démarre cette course le lendemain en fin d’après midi.

Petit jeu de piste dans le dédalle de ruelles médiévales du village de départ. Les hommes de tête se trompent d’itinéraire et c’est dans une très bonne ambiance que tout le monde leur emboite le pas ! Pour faire demi tour 500 m plus loin ! Le ton est donné. Une inquiétude naît à la sortie du village : je suis assez rapidement parmi les derniers coureurs et je constate que la tête de course tient un rythme digne d’un marathon en 3 h ! Ayant très peu d’expérience de ce genre de course « roulante » , je commence déjà à m’interroger sur mes capacités et ma gestion de course. Mais bon, je m’en tiens à la cadence nécessaire pour passer en barrière horaire et puis advienne que pourra… La route est longue !

La course suit son cours. Entre ravitos, discussions sur les chemins, pauses…  À l’approche d’un village dans la soirée du deuxième jour, je rencontre deux petites canailles qui driftent à vélo dans la rue principale. Ils arborent fièrement leurs maillots aux couleurs de Pogba et Griezmann et m’interpellent !! –  « Eh ! Mais t’es français !? »

  • oui ! Vous aussi à ce que je vois !?
  • Oui on est en vacances chez Papy et Mamie. Elle va où la course, on a déjà vu passer plein de coureurs !
  • On va à A Castello Branco, on fait 280 km.
  • Ah ouais cool, bonne chance. Mais Castello Branco c’est à gauche là.

(Je jette un rapide coup d’oeil sur mon GPS afin de m’assurer d’être sur la trace et leur dit 🙂

  • Oui mais moi je dois aller vers la droite

Et là, d’un air dédaigneux l’un d’eux me dit : « Pffff ! Ben pas étonnant que tu sois dernier si tu prends le chemin le plus long pour y aller ! »

 

Cette réflexion me laisse songeur jusqu’à la nuit tombée, nuit pendant laquelle nous aurons le plaisir de nous faire accompagner par une magnifique éclipse totale de lune. Au petit matin j’ai de plus en plus de mal à maintenir la cadence indispensable au passage des barrières horaires, j’ai une ampoule qui couvre près de la moitié de la plante de mon pied droit. J’essaye de faire abstraction de la douleur mais alors que le soleil chauffe à nouveau le bitume, elle devient de plus en plus insupportable.  Qui dit allure lente dit pas de temps pour dormir ni même récuperer un minimum. L’après midi du 3ème jour de course est un calvaire. La température monte à 48 degrés, j’ai dormi 20 min depuis la veille au matin, je ne supporte plus de boire de l’eau chaude. Mon état commence à m’inquieter lorsque vers 15h je vois un couple de renards perchés dans un arbre, qui se moquent de moi en riant bruyament. Je sais dès lors que j’ai atteint une limite dangereuse. Je me traine de plus en plus et vers 17h, au 220ème km je dois me rendre à l’évidence : Je n’arriverai pas dans les temps à la dernière base vie. Je prend la décision de m’arrêter là et de laisser mes compagnons de route poursuivre leur chemin à un rythme un peu plus soutenu qui leur permettra d’atteindre cette dernière barrière de justesse.

 

            220 km. Enorme frustration. J’échoue à quelques 60 km du but.

CHAPITRE 2 :

EDITION 2019

C’est frustrant d’échouer à 60 km du but après en avoir fait 220. Après avoir fait une analyse objective des causes de mon ratage, je n’ai pas mis longtemps à me décider à me réinscrire pour la 5e édition, l’année suivante.

Les préliminaires étant les mêmes, je retrouve avec un grand plaisir certains des participants de l’année précédente. Malgré la barrière de la langue, des liens se sont tissés. J’ai toujours été fasciné par la capacité de communiquer lors d’un ultra. Les longues heures de course de nuit sont particulièrment propices à cet exercice. Au delà des mots, il y a le fait de vivre le même événement, de vivre les mêmes difficultées au même moment… Tout cela fait qu’on se comprend, sans avoir beaucoup besoin de parler.

J’aborde cette édition avec plaisir mais aussi une certaine appréhension. En effet, j’ai dû gérer ma préparation en ménageant mon genou qui me cause de fréquents soucis et c’est donc en mode « économie » que je prend le départ. À nouveau, ça part très fort. Décidement, ça me dépasse ! Il y a vraiment des extraterrestres dans le monde de l’ultramarathon. Je sympathise rapidement avec Daniel, un Espagnol parlant bien le français et nous passons d’emblée quelques heures ensemble. Je ne vois pas la nuit venir et j’ai cette étrange sensation de déjà vu ! J’ai à peu de choses près les mêmes temps de passage, je vois donc défiler le paysage au même rythme, mêmes repères. La lune se lève sur le village de Monsanto, magnifique citée historique et je me fait la promesse de revenir ici pour pousser plus avant la découverte de ce lieu.

La descente de Monsanto se fait par un étroit sentier empierré de façon très irrégulière et à plusieurs reprises, j’ai une sensation d’aiguilles dans mon genou. Je sais que ce n’est pas bon signe et j’essaye de solliciter mon articulation au minimum. La nuit se passe sans encombre, mais au petit matin la douleur est de plus en plus présente. J’essaye tant bien que mal de rejoindre la 3e base vie au 120e km, je ne suis même pas à mi-course et mon genou à doublé de volume. Les dés sont jetés, cette année non plus, je ne verrai pas Castello Branco. J’ai raté une sacré occasion, car cette année, la température plafonne autour de 38° C les conditions de course sont bien plus confortables que l’année passée.  

 

CHAPITRE 3 / EDITION 2020

Je m’étais dit que non, je n’irais plus. Cette course est trop difficile pour moi. Le sort en décidera autrement. Quand fin février, à quelques semaines de l’explosion du phénomène Covid,  Outdoor and News me propose d’y retourner pour couvrir l’évènement, je ne réfléchis pas beaucoup et j’accepte.

Les courses que j’ai programmé cette année devraient me permettre d’être au point à la date fatidique ou dû moins c’est ce que je pensais. Le confinement tout d’abord m’interdit l’accès à tout le massif forestier autour de chez moi et mon entraînement se réduit à peau de chagrin,  en même temps que toutes les courses que j’avais planifié qui sont annulées. C’est donc dans un état d’impréparation quasi totale et beaucoup d’appréhension que je me présente au départ de la 6e édition de la PT 281+ qui est en même temps ma première course de l’année.

Cette édition se distingue par un itinéraire que je ne connais pas. Il s’agit du parcours initial qu’empruntais la course pour sa première édition. Pour raison de Covid, nous ignoriions si la course allait pouvoir avoir lieu jusqu’à 15 jours avant le départ. Finalement, c’est avec un protocole stricte que l’organisation à réussi à arracher les autorisations pour la tenue de la première épreuve mondiale post confinement d’ultramarathon.

 

Une fois de plus, je retrouve certains de mes amis, masqués, dans le bus à Lisbonne, direction la petite ville de Proença à Nova où nous aurons jusqu’au lendemain 17 h pour nous raconter notre année au bord de la piscine ou dans un bar au centre ville. Cette année, il n’y a évidement pas de coureurs Brésiliens ni Japonais, leur entrée en espace Schengen étant interdit.

Au jour dit, le départ est donné dans le château de Belmonte, belle forteresse moyenâgeuse. Un fois encore, la course fait la part belle aux sites historiques du pays. Nous traversons, de nuit, un autre château impressionnant ainsi que de charmants villages tout droits sortis des manuels d’histoire. Avec la nuit sont apparues les premières difficultés et les premiers abandons malgré une température clémente et un tracé très roulant qui longeait une retenue d’eau d’un barrage. Mais dès le lever du soleil nous avons eu droit à une hausse brutale des températures en même temps que le gros du peloton s’engageait dans la vallée de la mort. La fatigue, la chaleur, le manque de concentration et de rigueur dans la préparation me vaudront quelques kilometres supplémentaire et une erreur stratégique monumentale.

La PT 281 est, à mon sens, avant tout une course de gestion. Il est indispensable d’établir une stratégie et surtout s’y tenir. Tôt ou tard, vous vous direz que la stratégie pour laquelle vous avez opté n’est pas la bonne, mais il faudra vous y tenir malgré tout. Ici, il n’y a pas de place pour le doute. La détermination doit être omniprésente. Si le questionnement venait à s’immiscer dans votre esprit, vous tenez là le début de l’échec. La distance, la chaleur et la douleur feront leur travail de sappe jusqu’à vous persuader que vous êtes arrivé au bout de vos possibilités. Ici, commence le véritable défi : continuer d’avancer.

 

Et de fait, je comptais dormir un peu au CP 2, vers le 85e kilomètre, mais j’ai préféré poursuivre ma route, pensant plutôt dormir à l’ombre d’un arbre après avoir parcouru une partie de la vallée de la mort. Les quelques tentatives que j’ai faites ont très vite été interrompues par d’énormes fourmis, qui elles aussi choisissent le dessous des arbres pour y implanter leur habitat. Et le doute s’installa… 25 kilomètres de plus sous un soleil de plomb, dans la poussière, par une température de 46°C, la fatigue, l’eau de boisson chaude qui provoque la nausée à chaque gorgée. Il n’en faut pas plus pour entamer ma motivation. A l’approche de la colline de Monsanto, je me sent vidé, dans l’impossibilité de récupérer, je ne trouve plus aucun sens à ce que je fait et je jette l’éponge une nouvelle fois.

 

La PT281+ Ultramarathon est une course difficile. Elle fait partie des plus grandes distances en non stop au monde. À la distance s’ajoute la difficulté majeur que représente la température. Une bonne dose d’humilité et une détermination sans faille seront indispensables pour espérer mener à bout cette aventure.

Mais que vous finissiez ou non, soyez assuré qu’elle vous marquera pour longtemps tant elle bouleverse votre zone de confort et vos repères en course à pieds.  

 

 

Merci beaucoup Jérôme d’avoir pris le temps de nouc concocter ce beau CR.

Rédaction : Jérôme

Crédit photos : 281 MARATHON 

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