TDS 2019 by UTMB : une 1ère édition de 145 km technique, difficile, sauvage… mais magique :)

Cette année, pour confirmer son titre de course la plus relevée et insolite de l’UTMB, la Trace des Ducs de Savoie (TDS) avait grossi de la bagatelle de 23km et 1800m D+, passant de 122 à 145 kilomètres, de 7300 à 9 100 mètres de dénivelé positif et de 59,8 à  62,7 m D+/km. Ce qui n’a pas découragé plus de 3000 candidats du monde entier à se préinscrire pour 1600 places only. La TDS ça se mérite, et c’est souvent l’aboutissement d’un long parcours d’inscriptions… et de refus ou de manque de points, entre CCC et UTMB. Pour moi 6 ans et 3 courses sur 6 inscriptions, faut être patient! 

Bref, cette année c’est la bonne, et je décide vu la difficulté pour y arriver (inscription et nouveau parcours… long!) de mettre toutes les chances de mon côté.

Le bon plan, comme le départ a été avancé de 6H à 4H du matin, prendre un logement à Courmayeur pour éviter de prendre la navette de Chamonix à 2H30 ce qui raccourcit considérablement la nuit.

Et côté logistique, vu que la course part de Courmayeur pour finir à Chamonix, voyager déjà en tenue pour que le minimum d’affaires vitales rentre dans le sac qui sera rapatrié de Courmayeur à Chamonix et qu’on déposera le matin même de la course, en complément de celui que l’on trouvera à Beaufort, 2/3 de la course avec affaires sèches et change complet.

2ème bon plan : passer quand même par Chamonix, et y récupérer son dossard quand il y a moins de monde, aux alentours de midi*, pour s’imprégner de l’ambiance, voir les potes au village… et passer l’arche au moins une fois… pour se remémorer ce bon moment quand on sera dans le dur, ce qui va forcément arriver!

*même si on est convoqué dans l’après-midi (les bénévoles laissent passer, mais attention de bien venir avec son sac et tout le matos obligatoire -y compris les piles de rechange!)

Bref, parti de Paris à 7h du mat pour arriver, 3 trains après, vers midi, ayant récupéré mon dossard, testé tous les nouveaus produits au salon, vu pas mal d’amis, il est temps de prendre la navette pour Courmayeur à 17H car ce salon est un piège, il règne une effervescence de dingue… “si t’es pas à Chamonix cette semaine t’as rien compris ;)” mais c’est surtout le meilleur moyen de te bouffer toute ton énergie. Tu montes dans la navette pour Courmayeur-Chamonix via le tunnel du Mont-Blanc, en te disant que dans qq heures tu feras le chemin inverse… en un tout petit peu plus de temps!

A peine couché, 2H45, c’est l’heure de se réveiller. La nuit a évidemment été agitée… mais bon, “c’est le jeu Lucette”… on n’est pas là pour se reposer! Tu te retrouves à errer dans les rues de Courmayeur désertes puis es confronté au fur et à mesure que tu te rapproches à d’autres trailers en mode zombie, et surprise, tu tombes sur ton pote David vu la veille, it’s a small world, avec qui tu peux échanger jusqu’au départ… et être sûr de pas te rendormir ou trop stresser! Petit détail pratique : y a pas la même foule qu’à Chamonix pour le départ de l’UTMB et des vraies toilettes propres sont accessibles à 50 m de la ligne de départ. Ce qui n’évitera pas de croiser sur les premiers km plein de gars en arrêt sur le bas côté 🙂 

Il est 4H… Courmayeur s’éveille! En bon diesel, la route va être longue!, je décide de partir prudemment pour les 15 premiers km et 1300 m de D+ qui me mèneront au Lac Combal, un chemin plutôt roulant et que je connais bien car c’est aussi celui, en sens inverse, de l’UTMB. L’ambiance est guillerette dans le peloton… sauf quand ça bouchonne. Arrivé au Lac Combal après 3H d’effort, j’ai bien conscience de ne pas m’être cramé, mais qu’elle n’est pas ma surprise quand lors du ravito vers 7H10 ils nous annoncent que la barrière horaire arrive dans 20 minutes et qu’il ne faut pas trop traîner! C’est le choc, je ne pensais pas avoir tellement pris mon temps! En repartant, je suis 1298ème sur 1600 partants… et je n’aurai de cesse de (tenter) remonter en appuyant davantage en montée et en me lâchant sur plat et descente.

Je comprends mieux maintenant pourquoi Carole et Marie m’avaient “engueulé” quand je m’étais arrêté discuter et déconner avec elles juste après 1 km de course, elles me connaissent bien les bougres 😉 Bref, j’ai passé la seconde pour les 20 km suivants entre le Lac Combal et le col du Petit Saint Bernard, qui marque la frontière entre la France et l’Italie. Passé le col Chavannes, c’est plutôt roulant avec de jolies descentes ce qui me va bien. J’arrive plus serein à la barrière horaire du Petit Saint Bernard avec 1H30 d’avance sur celle-ci.

Il fait grand beau, le stress de la barrière horaire est passé, c’est désormais une longue descente de 15 km et 1400m D- qui nous attend pour rejoindre la première grosse étape : Bourg Saint-Maurice. J’écris un texto rapido à mon pote Frédéric qui est sensé me retrouver en bas. Et j’envoie sur la descente! Les vues sur la vallée sont magnifiques de ce côté ci de la Pierra Menta, notamment celles sur les Arcs où j’ai pu m’entraîner 15 jours avant avec mon fils Gabi, pensée qui m’aide à me booster. Dans la descente, je double pas mal de coureurs plus prudents et qui ont en tête qu’effectivement il faut arriver frais à Bourg, car ce n’est qu’après ces 50 km et 2500 m D+ et 2900 mD- que tout commence!

Oh mon Fred, quel plaisir de te voir… surtout quand tu m’expliques que m’ayant vu faire le début de course tout tranquilou, t’en avais profité pour partir à l’assaut d’un col en vélo. Et que me voyant ensuite accélérer, t’as fait du stop et as eu la chance d’être récupéré par un papa en camping car qui suivait sa fille… prévue en même temps que moi à Bourg Saint Maurice! Sinon tu me loupais! Ca me fait bien marrer, et j’apprécie encore plus que tu sois aux petits soins pour moi et que tu me trouves hyper frais… même si je sais que ce n’est pas vrai 😉

En bon copain, Fred se moque bien de moi vu le bordel dans mon sac au moment du contrôle du matos! Fred, c’est le mec en or, qui m’avait déja soutenu avec mon pote Matthieu lors de la CCC en 2014. Et qui avait aussi fait les derniers km avec moi sur l’UTMB en 2016. Un véritable passionné. C’est à peine si j’ai le temps de me poser, il a vu ma remontée au classement (977ème à l’arrivée à Bourg alors que j’étais 1298ème 5H avant), et me file limite des coups de pied au cul pour que je reparte… ce que je fais en marche arrière, de bons gâteaux à la main, pour finir sur un ton d’humour ce très bon moment de détente 🙂

 

Bon… assez déconné, on a une course à faire aussi! Et là c’est le plat principal, tant redouté, le Beaufortain dans toute sa majesté, 40 km techniques à souhait entre Bourg Saint-Maurice et Beaufort. Et ça commence très fort avec la montée vers le Passeur de Pralognan en passant par le Fort de la Platte, et sa magnifique vue sur le Mont Blanc (cf photo ci-dessous) et le col de la Forclaz : soit une ascension de 813m à 2567m sur seulement 12 km et avec près de 2000mD+ Et ce en plein cagnard, car je la ferai entre 13H et 17H. Boosté par mon pote Fred qui m’avait tellement encouragé, je monte plutôt bien et grapille encore 150 places, pointant 827ème au sommet.

S’ensuit le fameux passage du Passeur de Pralognan, c’est technique et aérien et les cordes ne sont pas de trop pour freiner les ardeurs dans la descente. Une fois descendu ce mur, on se rend compte de la chance d’être passé de jour et sur terrain sec, car on peut vite dévisser. On déroule ensuite tranquillement vers le Cormet de Roselend et sa célèbre étape du tour de France. C’est paisible, à l’image des lacs et tarines, et les spectateurs savent se manifester.

Les 8km qui suivent entre le Cormet de Roselend et la Gittaz, du nom du torrent qu’on va longer dans la descente après une première montée vont s’avérer magiques. C’est juste sublime, sauvage, et je me dis que c’est vraiment top de faire ce type de courses pour y découvrir des endroits encore préservés à partager plus tard en famille et avec ses amis. Je me fais plaisir et vole de pierre en pierre sur le sentier, arrivant 738ème au 75ème km. Il est bientôt 20h, j’ai près de 16H de courses dans les pattes, et un gros morceau m’attend avant la pause à Beaufort, délicieux fromage que l’on a eu la chance de déguster à chaque ravito, qu’il soit d’hiver ou d’été! Et là, ça va être compliqué, la Côte d’Ani et le Pas d’Outray, comme le montre mon classement où je perds 40 places (en rouge sur le tableau ci-dessous). Je reprends heureusement des forces dans la descente pour Beaufort (ça sent l’écurie comme on dit), sympathisant avec un gars qui veut faire la course sans s’arrêter. Arrivée Beaufort… je suis cramé! Je file me faire masser, pour faire d’une pierre deux coups : remise en état des cuisses et repos, mais je sens que ça ne suffit pas, alors je me pose 1/4 d’heure dans un semblant de sommeil réparateur, puis erre entre les ravitos et un banc et une table que je me mets à apprécier de très près 😉 Bon, ça va faire 1H10 que je suis au ravito, où j’ai aussi eu le plaisir de récupérer mon sac pour changer de vêtements, il est temps de repartir le coeur vaillant?!

Beaufort-Chamonix, c’est parti pour la 3ème partie : 54 km et 3200m D+, or… je suis cuit. Oubliées les belles remontées au classement, je n’ai plus envie. Vidé, cassé, pourquoi ne suis-je pas rester roupiller au lieu d’être là à me demander ce que je fais?! Les 7 premiers km jusque Hauteluce sont un calvaire, au ravito je me traîne et y passe 25 minutes à ne rien faire. Il est 4H, ça fait pile 24H qu’on est parti, y a même pas 100 km au compteur… je me meurs! La montée au Col de Véry est le pire moment de ma nuit, même si j’ai la chance d’y croiser un bon pote et excellent trailer, Narcisse, qui me rassure sur mon état et me dit qu’avec le lever de soleil le mental et la forme vont Forcément, voire férocement… revenir.

ET là, miracle, entre les adorables textos, de celles et ceux qui ont presque’aussi peu dormi que moi!, merci vous êtes trop sympas <3, et le soleil qui se lève, c’est la renaissance, et un moment magique où l’on oublie la course, apprécie pleinement le paysage et se détend en faisant les cons sur les photos. Narcisse, c’est le mec qui tourne en 2H47 au marathon, s’entraîne 6 semaines en ski de fond l’hiver et fait tous les plus beaux trails chaque saison. Forcément se retrouver à ses côtés, ça met la pression. Une fois arrivés ensemble au Col Joly, il m’explique qu’il va passer en marche rapide, craignant une blessure au pied, et me donne sa bénédiction pour le laisser. Et il se trouve que la grosse feignasse que je suis se voyait bien continuer à pied, mais il sait me convaincre de viser un temps pas trop dégueu en courant (38H). Je m’exécute, et la forme est revenue! Quand la tête veut, le corps sait redémarrer 🙂

Je me remets en mode vert dans le mode vert du tableau ci-dessous. Col du Joly – Chamonix, il ne me reste plus que 32 bornes et 1500mD. Je sais qu’il reste encore pas mal de difficultés, ma montre est en rade depuis Beaufort, donc je n’ai aucune idée de ma vitesse, alors j’y vais au feeling. Et ça me réussit! Je passe en mode pacman, prenant un réél plaisir à bouffer les concurrents devant, que ce soit sur le parcours ou lors des ravitaillements où je reste de moins en moins longtemps… sauf pour demander mon classement. 676ème au col du Joly, je me dis que ce serait sympa d’être dans les 600. Ce qui se produit 15 km plus tard au col du Tricot (592ème). Les sentiers sont redevenus roulants, ce qui me permet de dépasser par grappes les coureurs, notamment un juste avant de traverser la passerelle ce qui me permet de la passer direct sans attendre les précédents ; coup de bol, les Dieux sont à nouveau avec moi! (Qu’est-ce qu’il faut pas se dire pour se motiver pour continuer à courir même après en montée!).

 

Col du Tricot (2120 m) – Les Houches (1010 m), la descente de 9 km se fait à un rythme effréné, je suis méga motivé pour me rapprocher du top 500 et de 37 heures de course, moi qui il n’y a pas si longtemps fleurtait avec la barrière horaire de 42H. J’arrive 520ème aux Houches en 34h48, et me dis… y a un coup à jouer… il te reste 8km jusque Chamonix, pour 200 m de D+, et si tu tentais les sub 36H et le top 500?

C’est donc sur cette “promenade d’Arve”, bien connue des coureurs de l’UTMB, car en faux plat descendant, dans le sens inverse, elle en marque le début, que je jette mon dévolu. Vous l’avez compris, donc, dans ce sens, ça remonte! Ces 8 km à fond sont très très longs et je sens que le ryhtme faiblit lorsq’un concurrent me double en montée en me disant accroche toi on vise les – de 36H. Le temps de réaliser ce qu’il vient de me dire… il m’a déja pris 200m, mais je m’accroche dans un sprint final que j’évalue à 3 km et qui me fait rentrer dans Chamonix les yeux rivés sur l’heure de mon téléphone, avec des spectateurs qui te font une haie d’honneur comme si tu étais leur 1er héros, ce qui me booste pour réellement sprinter me sentant pousser des ailes, d’un coup, hyper léger. Dernier virage à gauche, arche en vue, dernières foulées et saut au moment de passer la ligne d’arrivée. J’ai eu beau souffrir une bonne partie de la matinée, je me sens juste… hyper bien, avec pour seul regret le fait que j’aurais sans doute pu faire mieux si j’étais parti plus vite au tout début de cette fabuleuse aventure. Mais ne gâchons pas notre plaisir, j’ai encore grappillé 23 places dans cette dernière portion pour finir 497ème, et 176ème dans ma catégorie (quand mon fils me donnait pour objectif top 200) et ce en moins de 36H (35H53).

Ayé, le boucle CCC-UTMB-TDS est bouclée! Et j’ai trouvé cette dernière plus dure que l’UTMB, qui est comparativement très roulant, et même que la Diagonale des Fous. Après avoir récupéré la fameuse polaire, pris une bonne douche, j’ai le plaisir de retrouver les potes du club. Sur 3 au départ de la TDS, je serai le seul finisher. Narcisse arrivera héroîque car blessé 2H et demi plus tard, et sous la pluie. La Trace des Ducs de Savoie en version rallongée ne se donne pas à tout le monde… et je déclare lors du dîner avec le club à qui veut l’entendre que ce sera mon dernier ultra de plus de 100 km, que courir après une nuit blanche est trop éprouvant… mais comme on dit, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent… et je crois que je les ai zappées depuis. Passé un certain age… on ne se refait pas. A suivre donc pour un prochain ultra 🙂

REDACTION  et crédit photos : Alexis CHOUCROUN

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