MDS : du sable, rien que du sable ….

Réveil en fanfare toujours avec l’écho de Good morning Vietnam de Philippe. Une nuit calme et paisible ! Pierre-Etienne ne ronfle pas tant que cela. Ou alors je ne l’entends pas. Je suis calée au milieu des deux garçons. On a plié le tapis de la rente en deux, histoire d’avoir de l’épaisseur. Contre la toile de tente, Lhoucine s’enroule encore dans un morceau de tapis, PE a même triple épaisseur ! Et moi ? Je me contente de leur chaleur qui diffuse ! Je suis de toute façon complètement enroulée dans ma couverture de soie, avec mon super tee shirt Compressport manche longue chaud et mes magnifiques bas de récupération (toujours conpressport) et je dois avouer que c’est une tuerie ! Et mon sac de couchage est magique, j’ai bien chaud. Il a une capuche. Mon pan pan en guise d’oreiller et le tour est joué. La nuit est belle au MDS. 

Chacun relève la tête et le spectacle du lever du soleil depuis la tente est magique et si apaisant. Les tentes en face bougent, en mouvement les sportifs ressemblent à des ombres chinoises découpées sur l’horizon. 

Nous mettons toujours un petit temps au réveil proprement dit où l’on serait efficace. Chez nous, c’est tranquille ! On apprend aussi à se connaître. Enfin, Lhoucine et moi, pas de souci. Le câlin du matin n’est pas encore acquis pour PE 😉 remarque pas donné à tout le monde d’être un peu tactile dès 5h du mat ! Hiii, il s’y fera ! Il a toujours des blagues même au saut du lit. Il me fait rire. Un peu brut de décoffrage comme ça, et rustre, il est touchant. Bref.

« Le soleil vient de se lever, encore une belle journée, l’ami du petit déjeuner, l’ami ricoré ? Comme dans la pub ? Et bien ce sera l’ami lyophilisé ! Je tente encore un sucré de mon côté, le classique de PE avec son riz aux lait, oui, mais saveur myrtilles ce coup là ! Tout chauffe sur les braises soufflées par Lhoucine, le chef du feu, dans son habit de peintre. 

Puis comme dab, chacun vaque à ses occupations du « toilette, préparation du sac et habillage ». Moi comme dab, même rituel, mes habits sont au fond du sac de couchage au chaud. Un peu de crème sixpro pour mes pieds avant de les enfiler dans mes supers chaussettes injinji. Ensuite sac parfaitement rangé, mes réserves ok. Tout est nickel pour affronter cette belle étape de 32,2 km. 

Étape des dunes vraiment. Quel bonheur je me réjouis. 13 km de traversée des dunes de Merzouga. Elles sont grandes, hautes, belles. Le départ est à 8h30, ni trop tôt, ni trop tard. 

Les départs sont toujours différents car nous sommes différents de jour en jour. Les regards diffèrent. Les sensations idem et les émotions décuplent au fur et à mesure du voyage. Mais le rituel est le même : prendre du bonheur et du positif dans les bras des amis,  donner du positif et partager les derniers instants avec les premiers devant, emmagasiner  les sourires et rejoindre le centre du troupeau.  Puis, profiter des dernières minutes de foule avec l’effervescence. 

Top départ, chacun trottine ou court et d’autres partent en mode marcheurs aguerris. Moi je suis un mixte de tout cela. Mais cette année, j’ai un rythme qui me plait. Je profite autrement du MDS, comme une enfant émerveillée de son cadeau de Noel. Pour rien au monde, je ne voudrais un autre cadeau de vie. Je signe à vie pour déballer ce papier si flamboyant, et je persiste à défaire le noeud de ce cadeau. Cadeau de privilégiée. 

Les 3 premiers kilomètres dans ce plateau caillouteux,  remettent les muscles en action et les pas s’enchaînent avec l’esprit qui divague sur mes enfants ce matin. Les premiers mails hier avec leurs messages d’amour te poussent à vivre cette aventure pour eux aussi. Ils sont là à Genève, à vivre leur vie d’ados mais tout en se souciant de leur mère. Mes enfants vivent le MDS aussi toute l’année à travers moi, à mes côtés. Ils savent mon amour pour ce pays, pour ces instants d’extase dans le désert. Simplement parce que je les ai emmenés, simplement parce qu’ils sont aussi imprégnés de cette saveur transmise certes par moi mais ils se la sont aussi appropriée. Ils aiment le Maroc et ses traditions, ses senteurs et son peuple. Et de savoir que sur leur chaise d’école, ou à la maison, ils sont là à penser à moi, c’est bluffant. Après le divorce et ma reconstruction, ma priorité a toujours été eux en déplaise aux mauvaises langues. Nous avons trouvé notre rythme de croisière pour vivre ensemble. J’ai appris à vivre avec le manque de ne pas vivre le quotidien avec eux. J’ai appris à être positive pour eux et à survivre pour moi oui, mais pour eux. Ils sont ma priorité et gare à ceux qui touchent un de leurs cheveux. Je suis fier d’eux. Avec ce qu’ils ont subi, ils sont forts et grands, matures et intelligents, beaux et respectueux, amusants et bienveillants. 

Ah les cailloux, qu’est ce que ça peut faire penser ! 

La traversée du village de Tisserdimine est  drôle. Les gens te regardent et t’encouragent. Ils sont aussi souriants et cela fait du bien. 

On retourne dans l’oued plus ou moins sablonneux et je prends complètement à gauche pour traverser les dunettes le plus tard possible. Puis je monte sur le plateau, et c’est si beau ! Le cordon de dunettes est à vue où ce coup là je vire à droite ! Le sable est dur, peu ou pas de traces et les fanions en ligne de mire, le CP1 approche. Mais non, pas encore, si j’en crois mon souvenir du Road book, 2-3 kil de plateau plus ou moins caillouteux plein Sud ! Soleil en face ! Le paradis. Il fait chaud mais supportable. 

CP 1 ok.

Je décide de prendre une bouteille supplémentaire au cas où. Gourdes remplies, moral à fond. Un couple vient vers moi pour me dire merci pour le chemin pris dans les dunettes. Qu’ils me voient fonctionner depuis le début du Mds, et qu’ils me suivent souvent dans mes traces et que cela les rassure. Waouh ! Je retrouve aussi Nicole et Gerard. Entrée dans l’erg Chebbi. Et c’est parti pour 13 km de sable, de dunes, de pas qui laissent leurs traces. J’ai tendance à croire que les crêtes sont belles et dures et qu’elles surplombent l’infinité. Alors je décide de les suivre. On traverse un petit plateau aride où les nomades sont avec leur troupeau de dromadaires, c’est magique, un peu de vent mêlé à cela et cela donne une scène de documentaires où nous sommes un petit groupe de spectateur. Je filme tellement  c’est surréaliste. Et c’est surtout tellement un privilège. 

C’est reparti sur une allure assez sympa.

Des petites anecdotes le long du parcours :

Un collègue de tente de Nicole a comment dire les pieds dans un état si avancé que quand on le rencontre, j’en ai mal au cœur. Autant on peut aider à remonter le moral, ou une petite hypo mais les pieds … A part compatir… de voir la souffrance à chaque pas enfoncé oups … même les blagues carambars ne font rien à cette détresse. 

Plus loin une japonaise nous fait une hypo, un malaise. Nous venons de croiser 20 avant le 4×4 médical. Le petit groupe que nous sommes fait une file indienne de bruit de sifflet et de bâtons en l’air. Miss bridée refuse les pastilles de ne retrouve pas les siens. Le médical arrive et là, elle nous fait une crise de folie ! Elle dit en anglais que tout va bien et quand le médecin veut la checker, elle hurle ! Une déchaînée ! J’essaye désespérément de la raisonner, impossible. Je lui file mes pastilles de sel mais ne semble pas réactive. On la secoue un peu mais rien. Bref, elle continue son chemin et s’accroche à la main d’un homme un peu plus loin, de nouveau assez défaillante. Sale histoire. 

Un petit vent vient nous cingler et nous faire notre séance d’acuponcture faciale qui me manquait ! Pas trop le choix, je baisse la tête, je bouffe un peu de grains de sable et ça craque sous la dent. J’adore ! Un espagnol me suit et il est drôle, il discute peu mais il est très motivant juste par sa démarche. Il a un sac que je n’aimerais  pas avoir ! Je tire à gauche à droite au gré du vent et de mes envies visuelles qui me soufflent que le chemin est meilleur par là. Je me retrouve au sommet d’une dune avec Tom et son buggy, cela fait du bien un petit bisou. 

A vue de nez, il devrait rester 1 km. Mais je trouve un peu long, on devrait aussi tirer au sud sur la gauche. Ne désespérons pas ! Je ne désespère jamais en fait. Je suis dans mon élément, petite tête d’épingle au milieu de dunes gigantesques. On ne se rend compte de ce que l’on a fait que lorsque l’on découvre les images des helicos. Car dans le vif du sujet, on ne vit qu’en 2D, linéaire. Yes, le virage attendu mais Space le kilomètre est bien long. Pas grave, on s’adapte. On peut recharger le mental par des pensées de bien être et de détente. Les pensées à se torturer l’esprit ont été mises de côté pour cette journée. Je ne voulais pas me tarauder l’esprit de charges inutiles. Je les laisse à demain pour l’étape de transition d’avant la longue. 

Oh quel bonheur, voilà mister Peter ! Ça sent bon le CP2. Et la bonne blague, « ma poulette » il reste 2km ! Bon pas de souci ! J’arme un peu  plus les bâtons, suit et avance d’un pas fermé dans les traces déjà faites. Je me retrouve avec (impossible de me souvenir de sa nationalité) mais elle est en tong, tong blanches et elle avance avec un petit coup de mou. A l’approche du bip bip, je l’attends et on franchit le temps main dans la main comme si c’était l’arrivée ! On est fière ! Sous les tentes, il y en a certains, c’est l’hécatombe. Fait dire que la chaleur est belle et bien là et que si tu t’es mal hydraté, euh, retour à la case départ, sans recevoir 20000 balles. Une grande partie est assise et souffle, souffre. Moi ? Suis en forme, la pêche ! Un simple arrêt de remplissage de gourdasses et je repars. Un Pipi  sous des acacias avec vue imprenable sur d’autres acacias !  

Moi je chante toute seule et j’ai une forme infernale. Un poil mal aux guibolles mais ça va ça va ! Et là quelle surprise, j’entends un souffle derrière moi et une Laurence qui clame « tu as la pêche cette année toi, punaise tu avances ! » et là elle me double ! Elle a fait une monstre hypo bien avant et elle reprend du poil de la bête sur la fin. Elle me fait rire car au bout du compte, elle est tout de même compétitrice ! On arrivera donc à peu de différence. Cette étape de 39 aura donc marqué les corps peu préparés à cette chaleur, les corps peu préparés à ce terrain et même les corps préparés !

Le même rituel à l’arrivée, 200m avant, je plie et range mes bâtons au devant de ma poitrine et savoure les mètres qui me séparent de l’arche et j’espère que Mathieu est là pour la photo et l’accueil. J’adore ce moment. Cela fait tellement  du bien de savoir qu’il est là. C’est réconfortant, reconnaissant et adorable. Vivre des moments privilégiés comme cela, c’est larmes à l’œil à chaque fois. Le petit coucou à l’arrivée car je sais que Maya est derrière son écran et ça aussi, c’est le petit plus qui fait que tu existes. J’ai compris cette année lol, qu’il n’y a pas de sons ! Donc cela ne sert à rien de raconter sa vie, de remercier ta tante,  ton chien, ton expert comptable ! On s’en branle ! Par contre, le petit geste OUI ! 

Allez thé ! Bouteilles ! Et 100m me séparent de ma tente. Comme dab, je ne sais rien des classements, de qui est où, comment pourquoi, j’aime découvrir les rapports de courses oralement de mes potes. Tellement plus intéressant que d’aller jeter un œil sur le tableau de récapitulation. Les échanges, y a rien de mieux ! J’aime ces 100 mètres où tu croises les larmes, les regards, les hochements de têtes, les sourires  se dessinent et s’entremêlent et c’est si gratifiant pour tous et toutes. On se congratule, on s’observe, on compatit. On a besoin de « oh tu es rentrée, ça a été ? » des « génial tu as fini, une de plus dans la besace » , « hum je vois que tu es déjà au lyo, c’est le goûter ? », mais aussi des « t as aimé today ? C’était bestial non ? » 

Sous la tente 44, je retourne mon Lhoucine toujours couché et plus ou moins reposé. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces sportifs,  certes qui arrivent beaucoup beaucoup avant nous, ont fourni un effort si intense qu’ils sont réellement fatigués. Nous aussi, mais pas de la même manière. Pierre-Etienne est là aussi, mais souvent il est en vadrouille pour le job. Mais quand il revient, on se raconte notre étape, on parle de tout et de rien aussi comme dab. La soirée au coin du feu commence, les bouteilles à moitié coupées se remplissent de ce repas tant attendu. Derniers instants de rigolade et de parlotte cachés dans nos sacs de couchage, le dernier câlin/bisou et très vite, les 3 corps côte à côte partent dans les bras de Morphée. 

REDACTION et CREDIT PHOTOS : Carole PIPOLO

3 commentaires

  1. J’adore tu nous replonges dans cette ambiance et nos efforts pour aller au bout de chaque jour. Allez hop entraînement pour le prochain mais on attend la suite ..!

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