Dans la peau d’un Pacer

Echappée Belle 

144 km 11000D+

2019 – Pacer un athlète sur un Ultratrail
L’objectif n’est pas simple, il s’agit de donner l’allure (pace), gérer l’alimentation, l’hydration, la lecture du terrain, la motivation et de manière plus général le bien-être du compétiteur.

Echappée belle 

Une traversée sauvage Sud/Nord du massif de la Belledone

Un des ultratrails les plus exigeant de France, “un parcours pour les trailers avertis au pied montagnard !” comme l’annonce l’organisation. L’objectif du tracé est de rester au maximum en altitude, quitte à parfois être hors sentier. 

144

Km

11 000

D+

30

heures (objectif)

L’équipe

L’athlète et le pacer

On a testé pour vous ! Faire un ultratrail avec un pacer (un lièvre en français) c’est une sacrée aventure en duo, alors dans les faits comment cela se passe ? Pour l’occasion Olivier Crouvizier de la team Outdoor and news a accompagné Romain Diquattro engagé sur l’intégrale de l’échappée belle. 

Video

La vidéo de l’expérience ! 

Au programme

&

Avant course

Comments’organiser ? Gestion des temps de passages, analyse de la course, matériel obligatoire, nourriture, etc.

 

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Pendant l'épreuve

Réussir un Ultratrail ce n’est pas simple, comment gérer tout les paramètres pour mener son athlète au bout de ses objectifs tout en gérant sa course ?

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Après course

L’ultratrail et ses ascenceurs émotionnels, joies et peines sont au rendez-vous, quel rôle doit avoir la pacer ?

Dans la peau d’un pacer – avant course

L’avant course. C’est toute une histoire qu’il faut écrire, avec deux auteurs, deux personnages centraux et si possible deux héros (qui n’est pas un héros pour soi-même à la jauge de ses ambitions ?).

 

L’avant course, seul c’est la planification mentale – certain diront de la sophrologie -, la collection du matériel obligatoire, l’analyse des chiffres de la course (kilomètrage et dénivelé), lecture du tracé, évaluation des temps de passage, etc. Lorsque l’aventure met en scène deux coureurs, sur une course en duo par exemple, on s’accorde chacun à la mesure de l’autre afin de pouvoir parvenir au bout, à deux.

Mais, en tant que pacer, c’est l’abnégation qui prime !  Le lièvre doit coller au personnage de l’athlète, analyser son fonctionnement, s’adapter à ses temps de passage, comprendre son alimentation, etc. Romain aura cette belle phrase :

“Pacer c’est les yeux et le cerveau d’un coureur en fin de vie”

Selon moi le moyen le plus efficace est de connaitre son entrainement, ses capacités physiques (encaissement, points forts et alimentation) et ses ressources mentales. Le trio gagnant de ces trois paramètres peut mener à la réussite, mais cela reste encore du conditionnel jusqu’au jour J.Mais ca, c’est une autre histoire !

Pendant la course

Quand bien même le pacer rejoint l’athlète à mi-parcours son rôle n’est pas mis entre paranthèses durant le laps de temps entre le départ et les retrouvailles.

L’organisation que l’on a choisie avec Romain, a été de l’accompagner du réveil jusqu’au départ de la course. Cela permet d’effacer le stress et les angoisses d’avant course d’avoir un visage amical à ses côtés !

Sur ce déroulé de course, Romain est parti très fort et a devancer ses temps de passage. C’est pourtant un athlète qui se connait bien et finit toujours dans les 5% de tête de course. En tant que pacer cela me stresse car il semble en forme! Dernière vérification du mon matériel obligatoire, et je file le rejoindre. On passe du pacer mental de pré-course au pacer physique.

Le duo se retrouve,  l’athlète n’est pas très en forme car le début du parcours est très difficile (64km 5200d+). Au Pleynet c’est le début de course pour moi jusqu’à l’arrivée, le parcours est le même que la Traversée nord (85km 6000d+).

1er étape : requinquer et réconforter l’athlète ! S’occuper de son ravitaillement et l’encourager à repartir sereinement. C’est facile lorsque le bonhomme est de naturel jovial.

2ème étape : lui parler, savoir ce qu’il a mangé pourquoi il a souffert et où il a mal, le conseiller car avec l’effort et la concentration le manque de lucidité peut vite arriver.

3ème étape : lui donner le tempo, ralentir quand ça va bien, accélérer quand ça va mal !

Tout au long de la course je prends les rennes, lui donne le rythme, trouve le bon chemin, le ravitaille quitte à passer 2 minutes à peine à me ravitailler (l’objectif était de ne pas passer plus de 10 minutes par ravitaillement, car en bout de course avec 10 ravitaillements cela fait 1h30 de pause !).

Au fil de la nuit, par monts et par vaux la bonne humeur reste là et de la 27éme place on remonte à la 10ème ! A l’aube je nous prépare des cafés tout en courant pour garder l’esprit alerte. Car pour moi aussi la course allonge le temps de réaction inversement proportionnel à la réduction de la foulée.

Romain, cet homme a un désir d’absolu, un besoin de briser la roche, il est comme un piolet sur la glace. Mais il a du courber l’échine et abandonner face à son quadriceps. Au petit matin une déchirure se déclare et ne fait qu’empirer. En tant que pacer j’essaye de trouver des stratégies pour le pousser jusqu’à l’arrivée, le remotiver, lui faire garder cette lueur dans les yeux que tous les traileurs ont au petit matin. Mais bien lucide c’est lui qui m’annonce qu’il n’ira pas au bout… Verdict du cortège médical à 12h : fin de la course ou le quadri va lâcher !

Dommage on était encore dans le top 10 tout en ayant marché pendant 6h. Il ne restait que 14km.

Après course

Gérer l’émotionel, un des aspects les plus difficiles ! On est tous coureurs et on sait gérer son mental, faire face à ses échecs, à ses sauts d’humeurs. Mais comment gérer l’autre ? On va tout de même passer faire une thérapie de couple ou assiter à une formation de CNV (Communiation non violente). Pourtant c’est pas loin d’être la réalité. Les questions affluent, “où je me suis planté?”, “qu’est-ce que j’ai raté?”, “est-ce que j’ai pas trop forcé dans la longue descente de 7km sautant de rochers en rochers”, “n’a t-il pas assez bu ?”. Bref le pacer esseulé est en proie aux doutes. L’athlète n’a pas atteint son but et le pacer se retrouvant face à lui-même ne peut qu’avoir le coup de blues typique des fins de weekend entre amis.

Le debreifing commun dure des heures, des jours, on en reparle, rediscute pour savoir quels points on peut encore améliorer face à un exercice peu commun et qui pointe tout juste le bout de son nez en France.

Alors qu’est-ce garde de cette expérience?

Des souvenirs magiques, le sourire et ces têtes bien étranges au petit matin ! (voir photo après)

REDACTION et Crédit photos / OLIVIER CROUVIZIER

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