Carine Sourgen : force, détermination, combat d’une vie a travers le triathlon

Bonjour Carine,
 
Peux-tu te présenter en quelques mots?
Bonjour Franck, Je m’appelle Carine Sourgen, j’ai 39 ans. J’habite à Pontenx les Forges, dans les Landes. Je suis licenciée au club de triathlon de La Teste de Buch.
 
Peux-tu résumer le triathlon en trois mots?
La facilité serait de répondre que le triathlon c’est de la natation, du vélo et de la course à pied mais c’est, en réalité, un sport à part entière bien plus complexe. L’enchaînement de ces trois disciplines et les transitions doivent également être travaillées.
C’est un sport très prenant mais avant tout passionnant et accessible à tous puisqu’il existe différents formats de course.
 
Quel est ton plus beau souvenir de triathlon?
C’est une question difficile car je suis une personne très sensible. J’ai en tête de nombreux très bons souvenirs.
Celui qui me semble le plus fort est très récent. C’était à Coutras, dans le cadre d’Octobre Rose. J’ai participé au sprint par équipe avec mon mari, mon coach et un autre ami alors que je suis en fin de chimio. C’était un gros défi car la fatigue s’accumule. Nous avions tous beaucoup d’émotion en passant la ligne d’arrivée.
Ma fille de 14 ans était également présente et m’avait fait le plaisir de participer en courant avec 3 amies à moi. C’était son premier triathlon par équipe.
Et, cerise sur le gâteau, nos deux équipes ont même été récompensées (au classement par catégorie).
Comment es-tu venue au triathlon?
Je pratiquais la course à pied au club d’athlétisme de Biscarrosse. Les entraînements étaient partagés avec ceux du club de triathlon. Une amie a tenté l’expérience et m’a incitée à faire de même.
Je n’avais pas nagé en piscine depuis l’école primaire. Sur mes premiers triathlons, je partais donc loin mais j’avais le plaisir de remonter petit à petit et terminer sur ma discipline favorite.
Quel triathlon te fait rêver?
Mon mari avait prévu de faire son premier Ironman à Embrun. Avec plusieurs amis nous comptions l’accompagner dans ce défi en 2019.
Ce ne sera pas possible pour moi alors nous avons tous prévu de reporter ce projet à 2020. Ce serait pour moi une grande satisfaction d’y parvenir.
 
 
A part les qualités physiques, quelles sont les autres qualités qu’un triathlète doit posséder ?
Un triathlète doit savoir accepter ses échecs et analyser ses erreurs. Il doit être patient, persévérant. Il doit extrêmement bien connaître son corps et surtout savoir l’écouter.
 
Tu as fini un triathlon IM à vichy, quelle fut ta réaction en passant la ligne d’arrivée?
J’ai eu envie de retrouver et de serrer fort dans mes bras ma fille et mon mari qui étaient venus m’encourager. La préparation d’un Ironman demande l’investissement de toute sa famille quand on travaille à temps plein. J’ai beaucoup de chance car ils ont été très compréhensifs et très patients.
 
Tu as été diagnostiqué d’un cancer au printemps, comment vas-tu aujourd’hui ?
J’arrive au bout de 4 mois de chimiothérapie. La première phase se termine. Les suivantes seront l’opération (tumorectomie, prévue le mois prochain) et 6 semaines de radiothérapie à partir de mi-décembre.
Je me sens fatiguée mais je ne me plains par car j’ai relativement bien supporté les traitements.
 
C’est un moment très dur à vivre je suppose, quelle fut ta réaction à l’instant où tu as su ?
Avant l’annonce officielle de mon cancer, j’ai fait plusieurs examens et rencontré différents médecins. J’ai eu le temps d’envisager le pire de m’y préparer. Je ne sais pas vraiment comment l’expliquer mais je m’en doutais. C’était comme si je le ressentais. De plus, je ne récupérais pas aussi bien de mes entrainements ou de mes compétitions et j’avais une douleur récurrente dans le dos.
Le plus difficile pour moi a été de devoir l’annoncer à mes proches et de les rendre malheureux. J’ai eu beaucoup de mal à vivre ces moments, à voir la peine que je leur causais à lire la tristesse dans leurs yeux.
Je me devais d’être forte et optimiste pour qu’ils le soient aussi. D’une part pour qu’ils ne soient pas malheureux mais aussi parce que je savais que j’allais ensuite avoir besoin qu’ils me réconfortent dans les moments de doutes.
 
Quel fut la réaction de ton entourage sportif ?
Mon entourage sportif a forcément été d’abord choqué et peiné mais a ensuite très vite compris que mon tempérament et ma bonne condition physique seraient de gros atouts pour m’aider à guérir rapidement.
 
Quel est ton regard sur la maladie?
Le mot Cancer fait peur, et c’est normal. Mais le Cancer du sein se soigne très bien et la médecine a fait de gros progrès.
Je n’ai jamais eu peur de mourir. Mon Cancer à moi va m’affaiblir dans un premier temps mais me rendra ensuite plus forte.
Il m’ouvre les yeux sur beaucoup de choses, en particulier sur l’amour que les gens me portent et sur la chance que j’ai d’être aussi bien entourée.
Mon Cancer me donne confiance en moi. Pour la première fois de ma vie, je n’ai pas peur d’échouer (pour la simple et bonne raison que je n’en ai pas le droit).
Je vis cette période comme une parenthèse dans ma vie en profitant de chaque instant pour apprendre à écouter mon corps, à prendre soin de moi, à comprendre ce qui est important et ce qui me fait du bien.
Et puis dans quelques mois je serai une nouvelle femme, plus forte, plus zen mais surtout encore plus heureuse de vivre.
 
Quel est ta perception du monde médical dans l’épreuve que tu traverses?
Je suis suivie à l’Hôpital Bergonié. Mon Oncologue a tout de suite été très rassurant. Il m’a conseillé de lui faire confiance et de me laisser guider en me contentant de prendre soin de moi.
Il m’a précisé que le cancer du sein se soignait très bien.
C’est exactement ce que j’avais besoin d’entendre.
Tout le personnel hospitalier et celui des ambulances Bouchot est vraiment très gentil. Je n’irai pas jusqu’à dire que j’y vais avec plaisir mais leurs sourires sont toujours réconfortants.
 
Sur tes photos nous voyons un très jolie sourire, est-il toujours présent ?
Merci Franck. Je publie effectivement surtout les photos qui rassurent et qui véhiculent un message d’espoir, celles où je suis heureuse, où je fais du sport.
Je n’ai jamais aimé faire de la peine aux gens. Je trouve que la vie est dure mais que lorsque nous nous plaignons nous partageons de la tristesse. Je préfère sourire et partager du bonheur.
J’ai eu très peu de coup de blues et ils n’ont jamais duré bien longtemps car je suis très bien entourée. Il y a toujours eu quelqu’un près de moi ou au bout du téléphone pour me dire ce que j’avais besoin d’entendre.
 
Que t’apporte le sport dans les moments que tu vis en ce moment ?
Psychologiquement le sport me donne le sentiment de continuer à vivre.
C’est tellement agréable de prendre un dossard et passer une ligne d’arrivée, de monter un col à vélo ou de simplement de faire du vélo ou de courir juste pour le plaisir. ..comme avant.
Cette sensation de contrôler mon corps, d’en maitriser les limites me laisse parfois croire que je peux impressionner la maladie comme j’impressionne mon entourage.
Je me sens forte et ça me donne confiance en moi.
Faire du sport m’incite aussi à prendre l’air, à voir des gens car parfois la fatigue est telle que je voudrais rester au lit ou dans mon canapé toute la journée…
Alors je me bouge et finalement je me sens bien mieux.
Physiquement, la pratique du sport m’aide à mieux dormir. Le sommeil généré par le sport est bien plus réparateur et bien plus sain que celui induit par la fatigue médicamenteuse.
Faire du sport me permet également de ne pas trop perdre de muscle et de ne pas trop grossir.
 
 
Sur cette photo on ressent l’admiration et l’émotion de ton équipe et du public lors de ton discours. Est-ce que tu as envie de jouer un rôle dans l’information des bienfaits du sport dans l’avenir, d’être une porte-parole ?
Je me suis effectivement surprise au triathlon de Coutras à laisser parler mon cœur sans suivre le discours que j’avais préparé. Je ne sais pas si j’ai envie d’être une porte-parole mais je sais que si j’ai encore l’occasion de porter un message d’espoir et quelques conseils aux autres malades et à leurs familles je le ferais avec plaisir.
J’ai la chance de bien supporter mon traitement car le sport m’a rendu plus solide. J’ai donc continué à faire du sport tout en prenant soin de bien me reposer pendant toute la chimiothérapie. En parallèle, ma tumeur a été divisée par 6 en deux mois. Je ne peux pas affirmer que ces deux faits soient liés mais le corps médical a été autant étonné par l’un que par l’autre alors….je vous laisse juger.
Nous croisons dans le monde du sport des personnes ayant vécu des maladies graves ou des accidents. Pour toi c’est le contraire, penses tu que sans cette expérience sportive ton approche de la maladie aurait été différente?
Mon mental est un gros avantage et m’aide à me battre et à croire en mes capacités à gagner ce combat.
Je pense que j’ai toujours eu cet état d’esprit mais que la pratique du sport l’a encore plus développé.
Mon expérience sportive m’a déjà prouvé qu’en travaillant dur et en écoutant notre corps nous pouvions relever de gros défis.
Je pense souvent à ce qu’a dit ma fille lorsque nous lui avons annoncé, mon mari et moi, que j’avais un Cancer. Elle nous a dit “C’est un cancer mais ce n’est pas grave pour toi maman, tu vas guérir. Tu es plus forte toi: tu as fait un Ironman!!”
 
ITW : Franck Coeffard

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